Hollywood, la Guerre Froide bat son plein. Alors qu’il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo (Bryan Cranston) est accusé d’être communiste. Avec d’autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. En menant dans l’ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende.
Plutôt habitué aux comédies potaches (Austin Powers, Mon beau-père et moi, Moi, député…), le réalisateur Jay Roach se plonge cette fois dans le biopic politique avec Dalton Trumbo. Un genre qui ne lui est toutefois pas totalement étranger puisqu’il s’y était essayé, avec succès, en 2011 au travers du très bon Game Change, qui décrivait les coulisses de la campagne présidentielle américaine de 2008 opposant Obama à McCain.
Malheureusement, le constat n’est pas aussi réjouissant ici puisque si le long-métrage est loin d’être mauvais, il souffre néanmoins de quelques faiblesses gênantes. Reconstitution laborieuse, script mou du genou (le comble pour un film traitant d’un scénariste comme Dalton Trumbo), récit convenu, mise en scène plate, personnages manquant d’épaisseur… les défauts sont finalement assez nombreux. Le plus regrettable de tous étant peut-être l’énorme manque d’ambition dans le traitement du sujet, celui-ci se contentant d’aborder un certain nombre de points sans jamais les approfondir ni apporter un éclairage nouveau (par rapport à notre société d’aujourd’hui par exemple). Compte tenu de la richesse des thématiques exploitées, c’est tout de même sacrément déplorable.
Pour autant, tout n’est pas à jeter, et le film dans sa globalité est loin d’être désagréable. On prend effectivement un plaisir non dissimulé à suivre le parcours semé d’embûches du célèbre scénariste. Il faut dire que le personnage est empreint d’un humour ravageur qui contribue grandement à le rendre attachant. En outre, la performance de Bryan Cranston est assez saisissante. Si l’acteur, surtout connu pour son rôle dans la série Breaking Bad, est parfois à la limite du cabotinage, il livre tout de même une performance crédible dans la peau de cet artiste aux profondes convictions. Naturel et investi, il constitue l’un des éléments forts du film. Dommage en revanche que les seconds rôles soient aussi en retrait car cela aurait pu donner des étincelles. Citons néanmoins la trop rare Diane Lane, le discret Louis C.K. et le toujours convaincant John Goodman qui parviennent sans trop de difficulté à tirer leur épingle du jeu. Quelques-unes des meilleures scènes du film interviennent d’ailleurs lorsqu’ils sont présents.
En conclusion, malgré un sujet fascinant et un Bryan Cranston très en forme, Dalton Trumbo est donc plombé par un traitement manquant d’ambition et une réalisation d’une platitude absolue. Intéressant mais perfectible !
Je viens de le voir 🙂
Je te trouve un peu sévère. J’ai trouvé la réalisation très « biopic », c’est-à-dire linéaire, qui laisse la place à l’histoire du personnage. En fait, je crois que nous avions eu cet échange (mais dans l’autre sens) sur Steve Jobs où j’avais trouvé la réalisation trop punchy là où tu avais plus apprécié il me semble. 🙂
Tu peux développer sur le « manque d’ambition » en rapport avec « notre société actuelle » ?
Le manque d’ambition que je mentionne peut être assimilé à un manque de vision en fait. Comme beaucoup de biopic, j’ai eu le sentiment que le réalisateur se contentait d’aligner quelques événements marquants de la vie du personnage, mais sans jamais rien approfondir. Au contraire d’un film comme Jobs par exemple qui dispose, selon moi, d’un véritable angle et qui raconte vraiment quelque chose.
Quant à l’éclairage nouveau dont je parle, je veux dire par là qu’à l’heure où Hollywood est attaquée de toute part (inégalité salariale entre les hommes et les femmes, discrimination des noires…), le film avait toutes les cartes en main pour dresser subtilement un parallèle entre la discrimination subie par Trumbo et ses collègues pour leurs convictions politiques et celle dont souffrent encore aujourd’hui certains artistes du même milieu. C’est un exemple bien sûr, d’autres angles auraient pu être envisagés.
Tout ça pour dire que je n’ai senti aucune véritable proposition. C’est plaisant, intéressant et on apprend pas mal de choses mais l’absence de vision rend l’ensemble un peu anecdotique je trouve.
Je comprends ton point de vue sur le manque de vision. D’un côté, ça ne m’a pas dérangé. D’abord parce que c’est une histoire et un personnage que je connaissais très peu, je me suis donc laissé porté en toute « neutralité ». Ensuite parce que je me dis qu’un biopic ne doit pas forcément être empreint d’une vision, pour ne pas dénaturer le personnage principal, le rendre subjectif ou manichéen (ami cinéphile, ça serait intéressant que nous dressions une liste de biopics qui font des vrais choix 🙂 )
D’un autre côté, je suis d’accord avec toi sur le fait que cela manque de développement (surtout que le film dépasse les 2 heures, ce qui laisse de la place). J’ai eu parfois du mal à comprendre les raisons de l’engagement de Trumbo (ce qui peut paraitre un comble). Pour les autres réalisateurs, on reste fort à la surface.
Pour l’éclairage nouveau, ça ne m’a pas marqué parce que j’ai vite fait des liens moi-même (sur les thèmes que tu évoques, mais aussi sur les problèmes de religions dans notre pays). Pour le coup, je me suis dit qu’il n’y avait pas besoin d’enfoncer fort le clou et que le parallèle se faisait de lui-même, mais c’est un point de vue très perso. 🙂
C’est top de pouvoir échanger et d’approfondir : merci 🙂
Même pour un biopic, je pense qu’on peut proposer une véritable vision sans pour autant dénaturer le personnage, ce n’est pas incompatible. Sinon, autant faire un doc je trouve. Et encore, même les docs sont parfois clairement positionnés.
Pour l’éclairage, je te rejoins en revanche, on pouvait facilement extrapoler nous-même mais un peu plus de profondeur ne m’aurait tout de même pas dérangé.
Enfin, l’échange est la motivation première qui m’a poussé à créer ce blog, donc c’est moi qui te remercie ! 🙂
J’attendrai le DVD je pense…
Pas de véritable plus-value à le voir en salle, un visionnage vidéo devrait tout à fait suffire ! 🙂
C’est intéressant ce que tu dis sur la comparaison biopic/documentaire. Je viens de me faire la remarque en voyant qu’un film sur Snowden se prépare alors que j’ai adoré le documentaire qui lui est dédié « Citizen four ». 🙂
On est deux alors, j’avais aussi adoré Citizenfour ! 🙂
On verra si le film apporte quelque chose de plus ou de nouveau 🙂
Pour Dalton Trumbo, avec le recul, je me dis que l’axe choisi est le rapport à sa famille, non ? Le côté « entreprise familiale » avec ses qualités et ses défauts, ses incidences sur la vie de famille et sur l’aînée notamment (qui m’a fait un peu penser au fils du Majordome).
Oui tu n’as pas tort, c’est effectivement ce qui ressort le plus après coup. Mais je t’avoue que d’autres axes m’auraient davantage plu. 😉
Bonjour Wolvy128, film pas parfait mais qui m’a donné envie de revoir Spartacus et de découvrir The Brave one (film dont je n’avais jamais entendu parler). Bon samedi.
C’est déjà déjà ça alors. Bon samedi ! 🙂