★★★★☆, Critiques de Films

[Critique] Sicario

Affiche sicarioEnviron deux ans après les sorties, presque coup sur coup, des excellents Prisoners et Enemy, le réalisateur québécois Denis Villeneuve nous revient ce mois-ci avec Sicario, un thriller policier sur fond de cartels de drogue. Pour l’occasion, plus de Jake Gyllenhaal en tête d’affiche mais une actrice tout aussi talentueuse en la personne d’Emily Blunt. Elle incarne Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, qui est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement (Josh Brolin) dans la lutte contre le trafic de drogue. Menée par un consultant énigmatique (Benicio Del Toro), l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Sans être forcément un grand amateur de films traitant du thème du trafic de drogue, le réalisateur de celui-ci avait tout de même de quoi attiser méchamment ma curiosité, ses deux dernières réalisations comptant parmi mes œuvres favorites de ces dernières années. Et globalement, je dois reconnaître que j’ai à nouveau pris une petite claque devant son cinéma.

Un cinéma qui pourrait facilement s’inscrire dans la tradition des genres qu’il exploite mais qui sort en fin de compte nettement des sentiers battus. Ainsi, Sicario s’avère finalement bien plus qu’un simple thriller policier sur fond de trafic de drogue. Bien sûr, le scénario, lui, n’a rien de fondamentalement original, mais la maîtrise du réalisateur est telle qu’elle transcende littéralement le long-métrage pour en faire un film extrêmement puissant visuellement. En témoigne par exemple l’incroyable séquence du tunnel qui, combinée à la photographie fantastique de Roger Deakins, nous prend littéralement aux tripes. Le directeur de la photographie signe d’ailleurs un travail somptueux sur le film, peut-être l’un de ses meilleurs, et nous offre, pendant 2 heures, des plans d’une beauté inouïe. Dès l’ouverture, le ton est donné. Ville impersonnelle, violence macabre, visages fermés, le bien semble avoir complètement disparu du monde de Villeneuve. La tension est palpable et ne nous lâche pas jusqu’à l’apparition du générique final. Un exploit de taille si on considère que le film ne se contente pas d’aligner bêtement les scènes d’action mais développe aussi brillamment son trio de personnages.

Photo sicarioUn trio de personnages formidablement bien incarné par Emily Blunt, Benicio Del Toro et Josh Brolin. La première impressionne effectivement en recrue du FBI bouleversée par le plongeon cauchemardesque qu’elle effectue dans l’univers des cartels. Tandis que les deux autres en impose dans la peau de collaborateurs intraitables aux objectifs pas si semblables que cela. En particulier d’ailleurs Benicio Del Toro, qui éclabousse la pellicule de tout son charisme à chacune de ses apparitions. En outre, par le biais du personnage de Kate, le long-métrage questionne aussi intelligemment les méthodes du gouvernement et explore habilement les tréfonds de la nature humaine. Une exploration sans concession qui a, pour une fois, le mérite de ne pas offrir un regard manichéen. Alors certes, la vision proposée s’avère infiniment pessimiste mais elle n’en demeure pas moins d’une justesse inquiétante. En cela, le film se révèle diablement intéressant, d’autant plus qu’il a la bonne idée de ne jamais imposer une morale, mais plutôt de la mettre en doute au gré des décisions des personnages. Enfin, la composition musicale sombre et puissante de Jóhann Jóhannsson accentue magnifiquement l’atmosphère anxiogène du film.

Pour toutes ces raisons, Sicario s’impose donc comme un thriller aussi intense et violent que cynique et réflexif. Porté par un trio d’acteurs exemplaire, le film peut s’appuyer sur un visuel époustouflant et un scénario loin du manichéisme inhérent au genre pour embarquer le spectateur dans un raid oppressant. A ne pas manquer !

À propos de Wolvy128

Fondateur et rédacteur du site. Passionné de cinéma depuis mon plus jeune âge, je profite de ce blog pour partager ma passion au quotidien.

Discussion

7 réflexions sur “[Critique] Sicario

  1. Bonsoir Wolvy128, personnellement, j’ai énormément aimé ce film tendu, noir et bien interprété. Bonne fin d’après-midi.

    Publié par dasola | octobre 27, 2015, 6:18
  2. Toujours une aussi bonne critique ! 🙂 Ce nouveau film de Denis Villeneuve est visuellement et auditivement très puissant.
    Qu’est-ce qu’ils sont fabuleux ces plans du Mexique, et quelle synergie il se dégage avec ces compositions musicales oppressantes ! Clairement, le ton est donné dès le début, et est bien conservé sur la fin.
    Par contre j’ai trouvé quelques faiblesses vraiment dommage comme la partie entre Emily Blunt et Jon Bernthal, qui n’apportait vraiment rien au film si ce n’est que des lenteurs qui ont m’ont un peu coupé du rythme stressant de l’histoire.
    D’ailleurs, je ne sais pas si tu es au courant mais un Sicario 2 a été d’ores et déjà annoncé avec Benicio del Toro en acteur principal. Indirectement il occupait déjà la première place du premier volet, mais même si je le vois bien assurer un 2e volet, je ne sais pas si cela aurait tout de même du sens étant donné que le film a déjà retransmis son propos sur la guerre des gangs mexicains.
    Au passage, n’hésite pas à venir lire ma critique du film http://gamrrage.com/sicario-les-cartels-mexicains-ventre-de-la-bete/

    Publié par Kazura | octobre 27, 2015, 10:48
    • Et bien non, j’ignorais qu’un Sicario 2 était déjà sur les rails. Je n’en vois pas vraiment l’intérêt au vu de l’issue du premier film mais espérons que ça tienne la route, et que Denis Villeneuve rempile à la réalisation pourquoi pas.

      Pour ma part, je n’ai pas ressenti la moindre baisse de rythme, j’étais scotché du début à la fin. La séquence que tu décris m’a semblé intéressante pour illustrer la mainmise des cartels et l’importance de l’enjeu pour les personnes qui tentent d’y mettre un terme. Ma seule réserve vient personnellement du scénario, plutôt convenu dans l’ensemble malgré ses nuances.

      Publié par Wolvy128 | octobre 27, 2015, 11:43
  3. Dennis Villeneuve prouve que quand on est un très bon réalisateur, on peut faire sublimer n’importe quel film. Ca pourrait rester un film sur les cartels comme d’autres, mais ici, tout est maîtrisé. De l’action-tension qui nous laisse accrochés au siège, mais sans débauche de sur-effets spéciaux. C’est efficace, c’est bien fait, on s’attache aux personnages – qui ne sont pas manichéens – et on les laisse évoluer et se dévoiler au fil du film. Des thèmes qui commencent à revenir chez le réalisateur : le rapport filial (Incendies, Prisoners, Enemy) comme la notion de bien/mal dans la vengeance (Prisoners). Le trio d’acteurs principaux est au diapason de ce film coup de poing.

    Publié par Basketo-Phil | octobre 28, 2015, 10:42
    • Je suis tout à fait d’accord, Villeneuve apporte une vraie plus-value à un scénario, certes efficace, mais pas extrêmement original. Le même script avec un autre réalisateur aurait certainement donné un film moyen et classique. A part Incendies, pour lequel j’ai quelques réserves, je suis vraiment fan de sa filmographie.

      Publié par Wolvy128 | octobre 28, 2015, 11:25
  4. Son rapport à la femme est aussi marqué dans ses films. Enemy reste le must. Là, Emiliy Blunt a le 1er rôle, Incendies explore aussi cette dimension. Il faudrait voir ses premiers longs et courts.

    Publié par Basketo-Phil | octobre 28, 2015, 1:19

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