Après Hunger en 2008 et Shame en 2011, le cinéaste britannique Steve McQueen nous revient en ce début 2014 avec 12 Years a Slave, sa dernière réalisation ! Inspiré de faits réels, le film se déroule aux États-Unis quelques années avant la guerre de Sécession et raconte l’histoire terrible de Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor), un jeune homme noir originaire de l’État de New York, qui est subitement enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va littéralement changer sa vie…
Malgré un sentiment relativement partagé quant aux deux premiers films de McQueen (j’avais moyennement accroché à Hunger et complètement adoré Shame), les deux avaient tout de même pour point commun de m’avoir énormément séduit sur le plan visuel. J’étais donc très impatient de découvrir le dernier projet en date du réalisateur. Et globalement, je n’ai vraiment pas été déçu ! Le film bénéficie en effet toujours d’une magnifique esthétique visuelle, grâce notamment à la magnifique photographie de Sean Bobbitt, le directeur photo attitré de McQueen, qui s’est entre-temps illustré dans The Place Beyond the Pines. Quant à la mise en scène, elle se révèle plutôt sobre mais néanmoins efficace, et réserve son lot de superbes séquences. On gardera ainsi en mémoire plusieurs plans séquences de toute beauté, dont un en particulier qui s’impose directement comme le moment fort du film au vu de sa profonde dureté. Car il faut le dire, 12 Years a Slave est une œuvre particulièrement dure et éprouvante, le réalisateur ayant choisi d’être démonstratif dans son traitement de l’esclavage. Certains verront dans ce choix un manque de subtilité et une volonté d’appuyer artificiellement les émotions, mais j’y vois personnellement une envie de se placer au plus près de la réalité en montrant, sans aucune complaisance, la souffrance (bien réelle) vécue par bon nombre de noirs à cette époque.
Mais si le film fonctionne aussi bien, au-delà de ses nombreuses qualités techniques, c’est également car le réalisateur est parvenu à tirer le meilleur de son superbe casting, tant au niveau du premier rôle que des seconds. Ainsi, Chiwetel Ejiofor impressionne dans la peau de ce père de famille instruit privé de toutes libertés du jour au lendemain. Plutôt habitué jusqu’ici aux seconds rôles, il livre une performance touchante et véhicule beaucoup d’émotion par son simple regard. A ses côtés, les acteurs secondaires se succèdent avec efficacité, allant de Benedict Cumberbatch à Paul Dano en passant par Paul Giamatti. Des acteurs qui ne marquent pas forcément les esprits, vu le peu de temps dont il bénéficie à l’écran, mais qui se montrent néanmoins tous très convaincants. En revanche, au-delà de Chiwetel Ejiofor, deux autres acteurs sortent clairement du lot : Michael Fassbender et Lupita Nyong’o ! Si le premier n’est pas une surprise au vu du talent déjà affiché notamment dans les deux premiers films du réalisateur, et qu’il démontre encore une fois ici dans un rôle terrifiant de maître esclavagiste tyrannique et frustré, la seconde est quant à elle une véritable révélation. En effet, pour son premier long-métrage, l’actrice est absolument bouleversante de sincérité dans la peau de cette esclave que rien ne semble épargner. Signalons enfin l’apparition furtive de Brad Pitt (producteur du film) qui jouit malheureusement de l’un des seuls personnages manichéens de l’histoire.
Pour toutes ces raisons, 12 Years a Slave est donc une œuvre de grande qualité, aussi poignante que bouleversante. Si la narration n’échappe pas à quelques rares longueurs, l’histoire et la performance des acteurs prennent vraiment aux tripes. A tel point qu’on n’en sort finalement pas tout à fait indemne. Même la composition de Hans Zimmer se veut plus discrète qu’à l’accoutumée, comme pour mieux rendre hommage au combat long et éprouvant de tous ces hommes et femmes. A voir impérativement !
Je n’ai vu que Shame, dont je garde un souvenir pas spécialement agréable – techniquement splendide mais une ambiance de plomb. Je suis tenté par 12 Years A Slave, mais davantage pour son sujet que pour les talents qui sont derrières.
C’est un film bien différent de Shame donc même si tu ne l’as pas aimé, je t’encourage quand même à découvrir 12 Years a Slave si tu as l’occasion. Les qualités techniques sont toujours là et le casting est vraiment top !
Je tenais, grâce à shame et hunger, McQueen en haute estime et je dois me résoudre à revoir sa côte d’adimration à la baisse à la sortie de 12 years a slave. Je trouve, contrairement à ce que tu écris, que la musique de Zimmer est très présente pour appuyer la douleur du personnage. Quant à l’acteur principal, j’ai un peu de mal à le suivre dans son expression surappuyée (certains longs gros plans frisent même le ridicule et la scène de fin m’a fait plus de peine à cause de l’excès de pathos dont elle fait montre). Restent des seconds rôles assez forts en effet, et un Fassbender qui bouffe l’écran dès son arrivée dans le film. Le mariage entre mélo et performance artistique trouve ici son point de rupture pour moi. Un déception.
Pas vraiment d’accord sur la musique ! Certes, elle est assez omniprésente mais je la trouve très discrète pour ma part. Elle ponctue les scènes sans les appuyer. Pour l’acteur principal, je peux comprendre en revanche. Même si j’ai plutôt bien accroché à sa performance personnellement. Après, j’entends bien tes arguments sur l’excès de pathos mais bizarrement, le film a quand même fonctionné sur moi donc ça doit être une question de ressenti personnel.
j’ai encore en mémoire la scène où Solomon se fait battre par ses kidnappeurs, une scène à la violence extrêmement dure mais qui se trouve anéantie par l’ajout d’une musique surlignant le drame. Ensuite, cette impression ne m’a plus quittée. je n’ai rien contre l’utilisation très hollywoodienne de la musique (l’utilisation ici des vrombissements anxiogènes), d’autant plus que le thème du film trouvé par Hans Zimmer est assez beau, mais je trouve que la puissance artistique de McQueen s’en trouve à bien des endroits atténuée. Je dois dire que je n’ai pas été touché plus que ça.
Je comprends tout à fait, il n’y a pas de souci. Tu n’es d’ailleurs pas le seul à ne pas avoir été touché plus que ça. Mais comme d’autres, dont moi, l’ont été, je pense que le ressenti personnel joue beaucoup. Maintenant, peut-être que les défauts que tu évoques me sauteront aux yeux quand je le reverrai en Blu-ray, c’est possible. Car je t’avoue que vu que le film a bien fonctionné sur moi, j’étais trop dedans que pour vraiment pouvoir relever toutes les faiblesses éventuelles.
Tu as été dérangé par certaines longueurs et je trouve justement que cela renforce davantage le propos du film : montrer le temps long, la banalité du quotidien avec très peu de moment extraordinaires.
Un film formidable pour moi, sur un sujet que j’ai étudié et qui est pour la première fois fidèlement retranscrit à l’écran.
Dérangé par certaines longueurs, le mot est un peu fort je trouve. J’ai simplement quelques réserves au niveau de la narration. Mais je suis d’accord avec toi, ça contribue à retranscrire le temps long et la banalité du quotidien. 😉