★★☆☆☆, Critiques de Films

[Critique] Roma

Inspiré par les souvenirs d’enfance d’Alfonso Cuarón, Roma désigne le nom du quartier de Mexico où le réalisateur mexicain a grandi. A travers le parcours de Cleo (Yalitza Aparicio), jeune femme au foyer dévouée, le film fait la chronique d’une année tumultueuse dans la vie d’une famille de la classe moyenne au début des années 1970.

Couronné du Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise, Roma a fait sensation dans la plupart des festivals où il a été présenté. Un succès critique que sa sortie mondiale sur Netflix, le 14 décembre dernier, n’a en rien entaché, le film générant à nouveau une grande majorité de retours élogieux. Pour autant, le long-métrage mérite-t-il vraiment toutes ses louanges ?

Sur la forme, oui, c’est indéniable. Si on pourra légitimement se questionner sur l’intérêt du noir et blanc, ou regretter l’utilisation abusive de panoramiques et travellings horizontaux, force est en effet de constater que la mise en scène de Cuarón est extrêmement élégante, réservant son lot de plans mémorables. Cela étant, et c’est le plus gros problème du film, les effets de mise en scène sont tellement flagrants qu’ils annihilent bien souvent toute la portée émotionnelle des séquences. Malgré la beauté indiscutable de ses images, l’œuvre échoue ainsi à dégager la moindre émotion, même dans ses scènes les plus vibrantes. Un défaut regrettable que le scénario ne parvient malheureusement pas à atténuer, celui-ci n’offrant pas de fil narratif suffisamment consistant que pour passionner pendant 2h15. Pas étonnant, dès lors, que le quotidien plutôt banal de cette femme au foyer finisse rapidement par ennuyer. Bien sûr, à travers son parcours courageux, c’est une multitude de thèmes intéressants que le cinéaste passe en revue (la femme, la famille, la société, la politique…), mais le traitement n’est cependant jamais à la hauteur, l’écriture se complaisant dans de trop nombreuses banalités.

Des banalités auxquelles viennent, de surcroît, s’ajouter des symboles lourdingues à base de chiens ou d’événements prophétiques. Autant d’éléments qui, à l’instar de la rigueur du cadre, contribuent à tenir le spectateur à bonne distance du récit et de ses personnages. Alors certes, il s’agit d’un choix plutôt judicieux dans l’optique de retranscrire le caractère insaisissable des souvenirs du réalisateur, mais complètement inefficace pour nous immerger profondément/durablement dans l’histoire, et ainsi nous faire ressentir les choses plus que de nous les montrer. Enfin, la comédienne principale Yalitza Aparicio achève d’enterrer toute chance d’émotion par son jeu totalement inexpressif. J’ignore si le problème vient de la direction d’acteur ou de son inexpérience en tant qu’actrice, mais le résultat à l’écran est en tout cas très décevant. Plutôt transparente, elle éprouve – comme la plupart du casting à l’exception de Marina de Tavira – les pires difficultés à susciter une quelconque empathie. Bien que la pertinence de la décision pose question, on saluera tout de même pour terminer l’audace du cinéaste de ne proposer aucune bande originale pour accompagner son film.

Sans rien enlever à ses évidentes qualités formelles, Roma peine donc à convaincre sur la durée. Plombée par une écriture faisant la part belle aux truismes éculés et une mise en scène virant trop souvent à l’exercice de style, la dernière œuvre d’Alfonso Cuarón n’a que ses jolies images pour maintenir un semblant d’intérêt pendant près de 2h30.

À propos de Wolvy128

Fondateur et rédacteur du site. Passionné de cinéma depuis mon plus jeune âge, je profite de ce blog pour partager ma passion au quotidien.

Discussion

6 réflexions sur “[Critique] Roma

  1. Aïe le verdict ! J’ai été nettement plus séduite par ce film, même si je reconnais les défauts que tu as cités. Il est certes long et lent mais étonnement, je suis restée scotchée devant le récit de cette famille, au point d’être émue lors des dernières scènes. Mais tu as raison, cela ressemble beaucoup à un exercice de style qui peut très vite ennuyer ou dérouter. Même si j’ai accroché, ce n’est clairement pas le film que je vais revoir par la suite.

    Publié par cinemathequedeclelia | décembre 17, 2018, 9:08
    • Un film long et lent, ce n’est jamais un défaut pour moi. En tout cas, pas au départ. 🙂

      Ce qui me dérange plus ici, c’est que les choix de mise en scène, aussi élégants soient-ils, annihilent toute forme d’émotion. Et le scénario, par son traitement, ses symboles peu subtils et ses innombrables banalités, contribue à cette triste conséquence. Maintenant, quand je vois que beaucoup de spectateurs ont vraiment été ému par le film, je me dis que l’émotion doit probablement passer autrement. Ou alors qu’il s’agit tout simplement d’une question de sensibilité personnelle qui fait que certains sont réceptifs à cette approche et d’autres hermétiques.

      Publié par Wolvy128 | décembre 17, 2018, 11:43
  2. Un film magnifique, œuvre d’un grand auteur/realisateur.

    Publié par princecranoir | janvier 9, 2019, 9:37

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