★★★★☆, Critiques de Films

[Critique] Sils Maria

Affiche sils mariaRetour aujourd’hui sur Sils Maria, le dernier film du réalisateur français Olivier Assayas avec Juliette Binoche dans le rôle principal. Elle interprète l’actrice Maria Enders. A 18 ans, Maria a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard, on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…

Que dire sur ce film si ce n’est que j’ai été très agréablement surpris par la richesse et la finesse du récit. Derrière une histoire plutôt simple au demeurant (une actrice vieillissante qui se prépare pour un rôle important), Olivier Assayas aborde en effet de nombreux sujets. Certains relativement faciles à appréhender comme par exemple la remise en question d’une femme quarantenaire au moment de travailler avec une nouvelle génération de réalisateurs et de comédiens. Et d’autres plus subtils tels que le rapport particulier au désir, fait de domination et de soumission. Ou encore la représentation du métier d’actrice à travers plusieurs points de vue, et différentes époques.

Ce dernier point rend d’ailleurs la frontière entre fiction et réalité extrêmement friable tout du long étant donné qu’il existe un lien étroit entre ce que les actrices représentent pour nous dans la réalité, et ce qu’elles véhiculent dans le film. Surtout en ce qui concerne Kristen Stewart au vu de son parcours cinématographique, et du chemin parcouru pour en arriver là. Mais aussi Juliette Binoche qui entretient avec son personnage des similitudes troublantes. Certains dialogues font, dès lors, indéniablement écho à la réalité, ce qui insuffle une réflexion intéressante sur la profession, et notamment sur le système hollywoodien. En proposant ainsi plusieurs niveaux de lecture, le long-métrage se révèle du coup particulièrement passionnant, et ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à une véritable mise en abyme, ou un film dans le film si vous préférez. Cependant, aussi captivant soit-il, le film n’évite tout de même pas quelques petites longueurs. Rien qui empêche en définitive d’apprécier l’histoire, et l’aspect réflexif qui la caractérise, mais le rythme du récit en pâtit inévitablement.

Photo sils mariaMais au-delà de la richesse de son récit, le long-métrage peut également s’appuyer sur un formidable casting, en particulier Juliette Binoche et Kristen Stewart qui forment un duo absolument remarquable. La première incarne à merveille cette actrice amoureuse d’un cinéma qu’elle ne reconnaît plus, et qui remet en cause son talent au contact de la nouvelle génération. Tandis que la seconde est désarmante de naturel dans la peau de Valentine, son assistante, une jeune femme dont l’influence sur l’actrice grandi au fur et à mesure. Au point de se demander finalement si la relation qui unit les deux femmes est toujours d’ordre professionnel. Là encore, les personnages et les rôles qu’ils interprètent pour répéter la pièce se confondent en permanence, stimulant ainsi la réflexion autour de la question du désir et du métier d’actrice. Enfin, Chloë Grace Moretz représente de manière plutôt convaincante la génération d’actrices tant dépréciée par Maria. Des actrices plus connues pour leurs frasques en dehors des plateaux que pour leurs performances dramatiques. Leur conception diverse de la profession, ainsi que leur différence d’âge, combinées à la perception personnelle de Valentine, installent une des réflexions les plus intéressantes du film tout en renvoyant inéluctablement à la réalité. Si le film est aussi fascinant, c’est essentiellement grâce aux actrices, qui ont absolument tout compris à son sujet, et qui parviennent à retranscrire toute sa force à l’écran. Au contraire du réalisateur qui ne nous gratifie pas forcément d’une mise en scène éclatante.

Sans avoir l’air d’y toucher, Sils Maria suscite donc de passionnants questionnements, liés autant à la multitude de sujets abordés qu’aux nombreux niveaux de lecture proposés. Pas exempt de quelques baisses de rythme, le film peut néanmoins s’appuyer sur des actrices exceptionnelles et un scénario subtil pour captiver le spectateur pendant près de 2 heures. Le genre de réalisation qui ne plaira certainement pas à tout le monde mais qui a le mérite de faire réfléchir.

À propos de Wolvy128

Fondateur et rédacteur du site. Passionné de cinéma depuis mon plus jeune âge, je profite de ce blog pour partager ma passion au quotidien.

Discussion

9 réflexions sur “[Critique] Sils Maria

  1. Ta critique transpire un résumé d’analyse très intéressante de ce film que je n’avais à peine entendu parler.
    Je n’irai probablement pas le voir au cinéma mais tu m’as suffisamment convaincu pour le découvrir en vidéo dans quelques mois !

    Publié par Kazura | août 24, 2014, 8:57
    • C’est un film que je recommande même si je suis convaincu qu’il ne plaira pas à tout le monde. Pour ma part, je n’avais aucune attente particulière et j’ai été agréablement surpris par la richesse et la subtilité du récit. C’est très psychologique mais, pour qui aime s’engager dans toutes sortes de réflexion, c’est vraiment superbe. En tout cas, n’hésite pas à revenir me faire connaître ton impression si jamais tu le vois dans quelques mois, je suis curieux de savoir si ce genre de film peut te plaire.

      Publié par Wolvy128 | août 24, 2014, 9:13
      • Pas de soucis, je reviendrai vers toi dès que je l’aurai vu.
        Personnellement j’aime bien ce genre de film, après tout dépend l’ambiance et les propos qui vont avec, j’ai par exemple adoré Cartel tandis que 99% des autres spectateurs non. Plus récemment j’ai également vu Enemy qui est manipulé différemment et qui m’a moins plu dans son style (mais tout de même assez pour m’être bien questionné sur le film avant de lire ton excellente interprétation).

        Publié par Kazura | août 25, 2014, 9:42
  2. Bonjour, je l’ai vu dimanche et je suis perturbé par un truc 🙂
    Nous étions 4 à voir le film et nous sommes 2 à avoir compris que le personnage de Kristen Stewart n’existait pas, qu’il n’était qu’une Juliette Binoche jeune à laquelle elle se raccrochait comme elle pouvait… Sur-interprétation ?

    Publié par Basketo | août 28, 2014, 10:10
  3. je doutais déjà pendant le film, tant la relation était proche entre les deux. Et la disparition soudaine de Kristen Stewart a renforcé cette idée. Comme une chimère passée qu’on ne peut retrouver… 🙂

    Publié par Basketo | août 28, 2014, 11:42
  4. J’y crois 🙂

    Publié par Basketo | août 29, 2014, 8:03

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